Beaucoup s’accorde pour dire qu’une image a bien plus de pouvoir qu’un mot. Certains écrivent même qu’ « une image vaut 1000 mots ». Leur démonstration nous renvoie à notre expérience : une carte géographique, un mind-mapping ou encore un graphique financier pour une analyse technique transmettent beaucoup plus d’information que les mots, notamment parce que les lecteurs sont familiarisés avec ces représentations. Parallèlement, en octobre, un ancien journaliste, Frank Frommer, a publié : « La pensée Powerpoint, enquête sur ce logiciel qui rend stupide ». Polémique ou erreur ?

En juin 2010, avant la sortie du livre de Frank Frommer, Francis Pisani, dans son blog Transnet, publiait « Du danger des représentations Power Point », lui-même précédé en avril 2010 par une déclaration du général des Marines James N. Mattis selon lequel « PowerPoint makes us stupid ».

Si l’image a un pouvoir supérieur à celui des mots, cela ne signifie pas qu’elle soit meilleure. Il n’est pas question de valeur, mais de pouvoir. Alors que la photographie est une répétition du monde, la saisie « im-médiate », sans média, des choses, l’image est une intermédiation, une interprétation. La photographie « re-produit » le réel, elle le produit à nouveau. L’image re-présente, elle présente dans l’ordre de l’imaginaire.

Frank Frommer explique que Powerpoint transforme la parole en spectacle. Le recours à un support Powerpoint ne favorise pas l’interaction, il établit plutôt un déséquilibre entre un présentateur qui maîtrise le discours et le temps de son déroulement, et un public qui découvre des images mobilisant sa vue plus que les mots ne lui parlent en raison. N’a-t-on pas là le binôme image/mot servit dans le même rapport puissance/valeur. Le journaliste écrit : « Powerpoint est étrangement habile à dissimiler la fragilité d’une proposition, la vacuité d’un business plan, devant un public toujours respectueux. »

Le monde de la finance connaît cette fascination pour l’image. Les “quants”, sobriquets des analystes quantitatifs, manipulent de grandes quantités de données de mathématiques financières. Ils utilisent massivement des « charts », ces images dynamiques rendent compte d’un cocktail d’indicateurs savamment paramétrés. Elles interprètent la réalité économique pour la représenter sur les écrans.

L’image, comme le langage, est une médiation au travers de laquelle le réel est perceptible. Les financiers n’accèdent pas au réel, mais uniquement au réel perçu et leur perception n’est informée que par leur langage. Est-ce assez pour manœuvrer de telles masses financières qui dépassent l’entendement, le mien comme le leur ?

Sources :

Roger Munier, La séduction des images, http://leportique.revues.org/index569.html, 2003

Frank Frommer, La pensée Powerpoint, enquête sur ce logiciel qui rend stupide, Ed. de la Découverte, 2010