Chacun sait que l’écriture arménienne est ancienne. Nombreux sont les articles et les livres qui racontent sa création et présentent son inventeur. Pour donner quelques indications, je me contenterai de citer Antoine Meillet qui, dans sa grammaire « Altarmenisches Elementarbuch » (Heidelberg 1913), explique au §3 que « L’écriture arménienne doit avoir été créée pendant la première moitié du Ve siècle après Jésus-Christ, dans la partie du royaume d’Arménie qui dépendait des Perses, et par un religieux qui, selon Koriwn et Łazar de P’arpi, se nommait Maštoc’ (Մաշտոց ou Մաշթոց les manuscrits varient), et d’après Moïse de Khorène, Mesrob (Մեսրովբ) ».

Les manuscrits montrent principalement 4 styles d’écriture :

a) Երկաթագիր (ergat’agir)

Exemple de ergatagir

L’étymologie nous apprend que ce sont des lettres de fer : Երկաթ (fer) -ա- (liaison euphonique) et գիր (lettre). Il s’agit d’onciales qui seront utilisés plus tard comme majuscules, notamment dans l’imprimerie.
Note : Un manuscrit du VIe ou VIIe siècle sur papyrus (BNF MS orientaux arméniens 332) présente des caractères qui en sont très proches.

b) Բոլորգիր (bolorgir)

Exemple de bolorgir

Le mot բոլորգիր se décompose en բոլոր (entier, rond, arrondi, mais aussi guirlande) et գիր (lettre). Ce sont des minuscules qu’on retrouve dans de très nombreux manuscrits. L’imprimerie les adoptera et poussera la coquetterie jusqu’à placer dans les casses plusieurs formes différentes d’un même caractère. La page imprimée avait ainsi toute l’apparence d’une page calligraphiée. Avec l’ergat’agir pour majuscule et le bologir pour majuscule, l’écriture est donc bicamérale ce que l’imprimerie traduit en haute et basse casses.

c) Նոտրգիր (notrgir)

Exemple de notrgir

Le dictionnaire Calfa (1861) nous en donne deux orthographes : Նոտրգիր ou Նօտրգիր. L’étymologie nous apprend sans l’ombre d’un doute que cette l’écriture est celle des notaires. Ces cursives ont eu un usage similaire aux italiques dans l’imprimerie. Elles servaient ainsi souvent aux notes, aux index, etc. Elles sont quasiment désuètes aujourd’hui. Il faut dire qu’elles ne sont pas faciles à lire.

d) Զարդագիր (zartagir)

Exemple de zartagir

Le mot dérive de զարդ (ornement) -ա- (liaison euphonique) et գիր (lettre). Cette écriture est ornée de différents animaux finement dessinés dans des entrelacs savants. Ce sont principalement des oiseaux, mais aussi des poissons. Les lettrines qui ouvrent les chapitres sont régulièrement ornées et forment de beaux exemples de zartagir. L’imprimerie a rarement adopté ces caractères. On peut en voir par exemple dans le livre que Giovanni Cristoforo Amaduzzi publie à Rome en 1784 sous le titre « Alphabetum armenum ».

Un cinquième style est à mentionner, même s’il est rarement observé dans les manuscrits et totalement absent en imprimerie.

e) Շեղագիր (šexagir)

Comme pour les anglaises, la cursive attache les lettres les unes aux autres. Historiquement exécutée à l’aide d’un stylet de roseau, puis à la plume, sa caractéristique principale est de donner une égale largeur à tous ses éléments. En général, la forme des lettres ne rappelle que de manière irrégulière le bolorgir, mais certains éléments sont de toute évidence des erkat’agir. Elle est à la base de l’écriture manuscrite contemporaine arménienne (exemple ci-dessus).