Avant de publier la suite de « L’homme en relation », il me semble important de faire une notice sur Hannah Arendt.

Johanna Arendt est née en 1906 à Hanovre de parents sociaux-démocrates et de grands-parents juifs réformateurs marqués par l’Aufklärung. Sa mère, admiratrice de Rosa Luxemburg, lui apprend à savoir se défendre et ne pas baisser la tête. Son père meurt en 1913. C’est dans ce milieu matériel, intellectuel et social favorisé que, dès 14 ans, (Jo)hannah lit la critique de la Kant. Précoce, elle passe en candidate libre son Abitur et s’engage en 1924 dans des études de philosophie et de théologie. Durant ses études, Hannah Arendt prend vraiment conscience de son identité juive et commence à militer. A Marbourg, petite ville universitaire, elle suit les cours de Martin Heidegger qui prépare alors Être et temps, puis à Fribourg-en-Brisgau, elle poursuit avec les cours de Husserl. Enfin, c’est à Heidelberg qu’elle rédige sa thèse Der Liebesgriff bei Augustin: Versuch einer philosophischen Interpretation (Le concept de l’amour chez Augustin) en 1929 sous la direction de Karl Jasper avec qui elle noue une fidèle amitié. Diplômée, elle se marie avec Günther Stern, un jeune philosophe. Ils s’établissent à Francfort.

En janvier 1933, Hitler est nommé Chancelier. Hannah Arendt est rapidement arrêtée, interrogée, et relâchée faute de preuve. Avec son mari, ils s’enfuient pour Paris. Cette même année, l’ « Alya des jeunes » est fondée dans le but de sauver les jeunes juifs de l’Allemagne nazie. Hannah Arendt exerce les fonctions de secrétaire générale de la branche française de l’organisation. En janvier 1940, elle épouse Heinrich Blücher, un historien de l’art, exilé lui aussi. Quelques mois plus tard, l’armée allemande est dans Paris. Ils sont arrêtés, brièvement internés dans un stade à Paris, puis elle est envoyée dans le camp de Gurs dans les Pyrénées Atlantiques.

Elle parvient à s’enfuir, retrouve son mari. Ils rejoignent l’Amérique en 1941 et s’installent à New York. Dans une situation de dénuement total, elle écrit dans plusieurs journaux. Après la guerre, elle retourne en Allemagne, travaille pour une association d’aide aux rescapés juifs, reprend contact avec Heidegger, témoigne en faveur du philosophe lors de son procès en dénazification.

En 1951, naturalisée citoyenne américaine, elle publie The Origins of Totalitarianism (Les origines du totalitarisme). Deux ans plus tard, elle entame une carrière universitaire et donne des cours à Princeton, Berkeley, Harvard, Chicago et New York. En 1958, elle signe son premier succès de librairie, contre toute attente, The Human Condition (Condition de l’homme moderne). D’autres livres suivent, dont Between Past and Future : Six Exercices in Political Thought (La Crise de la culture) en 1961.

Comme journaliste, elle part à Jérusalem pour couvrir le procès du responsable nazi Adolf Eichmann, qui représente pour elle l’incarnation de la « banalité du mal ». Elle réunit ses articles dans un livre, Eichmann in Jerusalem : A Report on the Banality of Evil, (Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963) qui vaut à Hannah Arendt de nombreuses critiques. On lui reproche de faire d’Adolf Eichmann un sioniste et de critiquer les populations déportées pour ne s’être pas suffisamment révoltées contre leurs tortionnaires. Elle démontre pourtant que l’horreur du système nazi réside notamment dans sa capacité à détruire la volonté des individus.

Elle donne des cours, écrit et publie encore On Revolution (Essai sur la révolution, 1963), Men in Dark Times (Vies politiques, 1968), Crise of the Republic (Du mensonge à la violence, 1972). Elle meurt en 1975 sans avoir pu terminer la trilogie The Life of the Mind (La vie de l’esprit) sur laquelle elle travaillait activement. Les deux premiers volets paraissent à titre posthume : Thinking (La pensée) et Willing (La volonté) (1978-1981). Elle avait à peine ébauché Judging (Le jugement).